Plusieurs dizaines d’étudiants issus du Campus Henry Christophe de Limonade (CHCL) ont défilé dans les rues du Cap-Haïtien le jeudi 29 août pour recommander aux dirigeants de l’Université d’État d’Haïti (UEH) de prendre des dispositions appropriées pour améliorer les conditions d’études des étudiants résidents et faciliter l’organisation des élections pour remplacer le conseil de gestion, dont le mandat a expiré en 2022. Ces aspirants médecins ont également demandé un ajustement du nombre de postes pour la résidence à l’Hôpital Universitaire Justinien (HUJ), la construction d’une salle de dissection, et la réouverture des services de spécialisation en ophtalmologie, médecine familiale, ORL et en dermatologie à l’hôpital. En outre, ils ont exigé la démission immédiate de l’actuel directeur médical, le Dr. Jory Désir, ainsi que l’élection d’un nouveau doyen et vice-doyen pour la Faculté des Sciences de la Santé du CHCL, et d’un nouveau conseil de gestion pour le campus.
L’origine de cette situation remonte à février 2024, lorsque des groupes armés ont envahi et pris le contrôle du centre-ville de Port-au-Prince, la capitale du pays. En conséquence, des étudiants de la Faculté de Médecine et de Pharmacie (FMP) de l’Université d’État d’Haïti, située dans la capitale, ont été contraints de se rendre dans le Nord pour poursuivre leur internat à l’Hôpital Justinien, sous la direction du Ministère de la Santé Publique et de la Population. Selon le médecin Eddy Pierre, un diplômé du campus de Limonade, 88 % des places disponibles dans les hôpitaux publics pour les internats sont strictement réservées aux étudiants venant de Port-au-Prince, ce qui empêche certains étudiants résidents de poursuivre leurs études comme auparavant.
Une crise multidimensionnelle
En ce qui concerne la situation de l’université en général, le conseil de gestion, composé de trois membres, qui dirige le campus depuis 2015, soit trois ans après l’inauguration de l’espace, est accusé de diverses dérives. En effet, ils avaient été installés par le rectorat de l’UEH pour organiser des élections au sein du campus avant 2017. Mais en 2024, ils sont encore en poste, avec des mandats renouvelés tous les deux ans, sans jamais s’acquitter de leur mission d’organiser des élections pour renouveler le personnel de l’institut.
Ce même conseil est également accusé de mauvaise gestion de l’espace : des salles de cours sont en mauvais état, l’établissement est privé d’électricité, les toilettes ne sont plus utilisables, la cafétéria est dysfonctionnelle depuis 2022, il n’y a plus de bus et pire, des cours sont parfois suspendus pour louer le bâtiment à des groupes religieux ou des organisations non gouvernementales. Quant aux fonds recueillis auprès de ces organismes, personne ne sait où ils sont passés.
Selon Roosevelt Jr. Fleurant, un étudiant de l’une des six facultés du Campus Henry Christophe, certains étudiants sont injustement sanctionnés pour avoir osé dénoncer les comportements des dirigeants.
Par ailleurs, le harcèlement et les abus sexuels sont devenus une situation inquiétante dans les facultés du campus universitaire, qui a la capacité d’accueillir 1 500 étudiants chaque année. Des professeurs sont accusés de négocier des rendez-vous secret avec de jeunes étudiantes en vue de les faciliter à réussir leurs cours. Et les étudiants ayant des conjointes à l’université sont, pour leur part, menacés par des scènes de jalousie de la part de certains professeurs. Plusieurs victimes en ont témoigné, selon des données recueillies par Top Média Haïti.
Les étudiants, qui ont déclenché ces mouvements de protestation depuis début août 2024, se disent persuadés de forcer le rectorat de l’UEH à prendre toutes les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. Si les responsables restent indifférents, les mouvements pourraient prendre une nouvelle ampleur. Selon eux, cette université, don de la République Dominicaine à Haïti, ne doit pas disparaître.