Au 21e siècle, éprouver des sentiments à l’égard d’un homme est l’une des choses les plus faciles pour certaines femmes. Cependant, le véritable problème réside dans la manière de le prouver. En Haïti, une grande majorité croit que la plupart des hommes qu’elles prennent pour cibles les voient d’un mauvais œil, et d’autres les considèrent comme inconcevables.
Avouer son sentiment amoureux à l’autre est de nos jours monnaie courante, et c’est implicitement une injonction à la réciprocité. En Haïti, cette pratique reste méconnue pour plus d’un. Les femmes savent ce qu’elles veulent, et la plupart du temps, elles l’avouent haut et fort. Quand elles décident de faire le premier pas, les difficultés sont en grande pompe.
Par contre, d’autres veulent que les hommes qu’elles choisissent les découvrent par eux-mêmes. Sans leurrer personne, toutes les femmes ne sont pas identiques. Si c’est peu de choses pour certaines, pour d’autres c’est bien plus compliqué. Les femmes veulent qu’on les cherche, les découvre, les comprenne et qu’on sache qui elles sont.
Oser faire le premier pas ou dire à un homme que l’on aime, les résultats attendus peuvent être soit de l’approbation, soit de la réprobation. L’intéressé peut les offrir un accueil favorable, sans oublier que pour d’autres, l’accueil peut être gênant. C’est une manœuvre qui présente des risques. Alors qu’en général, les hommes considèrent les femmes qui osent leur avouer leurs sentiments comme des “sales putes”.
La réticence des femmes et leur courage
Par ces vécus, certaines femmes deviennent réticentes et sont incapables de clamer ce qu’elles veulent. Elles ont peur de ne pas être aimées en retour. Pour certaines d’entre elles, montrer ses sentiments est un signe de faiblesse. “J’ai toujours voulu avouer mes sentiments à quelqu’un, mais je n’arrive jamais à y parvenir. Je le vois comme une faiblesse. Je suis trop timide et je ne veux pas, non plus, perdre une bonne amitié”, a expliqué Johanna, étudiante à l’Université d’État d’Haïti.
Si pour Johanna ce fait représente un signe de faiblesse, pour Vanessa, une jeune secrétaire de 33 ans, c’est une perte d’opportunité. “J’ai longtemps aimé un homme, sans jamais oser le lui avouer. Pourtant, nous avons partagé le même bureau. C’était sûrement une bonne opportunité, à mon grand étonnement, j’ai été invitée à son mariage et du coup, je suis tombée malade. Encore aujourd’hui, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire, pourquoi ne pas l’avoir dit.” La jeune femme conseille aux autres femmes de profiter de l’occasion pour avouer leurs sentiments avant qu’il ne soit trop tard. Selon elle, il vaut mieux dire les choses que de garder tout pour soi et de regretter après.
Cette réalité face à laquelle chaque femme a son histoire, n’est pas vue identiquement par toutes. Alors que certaines femmes ont peur de faire le premier pas, d’autres osent briser les lignes. “Il n’y a aucun problème à le faire. C’est normal, si quelqu’un te plaît, tu n’as qu’à le lui avouer. C’est un exercice que je fais assez souvent. Pour ne pas être repoussée, on doit savoir à qui parler”, a déclaré Gina, jeune femme de 29 ans. Pour elle, les hommes qui essaient de les mal juger font partie de ceux qui ne sont pas émancipés.
En fait, les histoires sont de nature différente. Il y a celles qui sont méprisées voire humiliées. “À chaque fois que j’essaie de le faire, je me suis prise un énorme râteau, sans parler des émotions négatives. Ça fait vraiment mal d’être humiliée”, lâche Eva, professionnelle de santé. Pour elle, procéder à une telle démarche, c’est faire fuir l’autre ou se faire mépriser.
Cependant, des relations réelles découlent même de cette pratique. Maggie, mère de deux enfants, avoue qu’elle a fait le premier pas. Et aujourd’hui, elle et son conjoint vivent sous le même toit. Elle conseille aux jeunes filles de vaincre leur timidité et d’aller à l’encontre de ceux qui les plaisent, car elles peuvent se retrouver dans une relation sérieuse.
Le regard des hommes à ce sujet
Par ailleurs, partout dans le pays, avouer des sentiments a toujours été le domaine de la masculinité. Alors, pourquoi une fille ne pourrait-elle pas déclarer ses sentiments à un homme ? Une question posée assez souvent par des Haïtiens sur ce sujet. Pour certains, c’est l’un des meilleurs gestes. “Je suis un garçon, je me connais et je suis émancipé. Donc, c’est un geste extra. Autrefois, je le considérais comme mauvais, mais aujourd’hui, une femme qui ose m’avouer ses sentiments est une héroïne. Je peux refuser autant que je peux, mais il y a bien une façon de garder son calme pour ne pas la rendre mal à l’aise”, a déclaré Ronaldo, un jeune photographe de 31 ans. Le jeune homme le catégorise parmi les chances, car trouver une femme qui ose le faire, c’est rare ; surtout ce n’est pas dans la coutume haïtienne.
Par contre, d’autres les considèrent comme des gestes insignifiants. Comme pour Richard, c’est une chose mince. Le jeune homme se dit mécontent lorsqu’une femme l’approche en termes d’avouer son sentiment, surtout si elle ne fait pas partie de son cercle d’amies.
Les normes de la société haïtienne, en général, sont responsables de la marginalisation des femmes dans cette pratique. Pour la majorité des hommes interviewés dans le cadre de notre travail, c’est un fait normal. Ils pensent que les femmes doivent être égales aux hommes sous toutes les formes, elles peuvent avouer leurs sentiments autant qu’elles veulent sans être mal jugées.
Outre les bons et les mauvais côtés, avouer ses sentiments n’est pas un aveu. La société haïtienne est parfois conservatrice voire même sexiste. Autrefois, les femmes montraient leurs sentiments moins par des manifestations implicites que par des gestes, des attitudes, des comportements et bien d’autres aspects. En 2024, les femmes qui veulent conquérir le cœur de leurs coups de cœur, se disent vouloir se battre jusqu’à atteindre le but, se forgent une place pour dire ce qu’elles éprouvent, en brisant les chaînes, et découvrir au futur ce que l’élu de leur cœur décidera.
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