Le tatouage, pratique existant depuis plus de 5000 ans, est désormais un phénomène populaire à travers le monde. Aujourd’hui, se faire tatouer en Haïti est devenu très courant. Connu pour son caractère indélébile et sa dimension symbolique, beaucoup de personnes en Haïti l’utilisent pour se remettre d’une expérience traumatisante ou pour se remémorer un moment précis du passé. C’est bien plus qu’un art. À Léogâne, ce phénomène, bien que nouveau, touche les jeunes, les adultes, et même des personnes âgées, qui portent des tatouages. Partout dans la commune, le nombre de personnes dont le corps est recouvert de tatouages ne cesse d’augmenter. Pour eux, lorsqu’une personne décide de se faire tatouer, cela a du sens à ses yeux : cela raconte une étape de sa vie, exprime des idées ou révèle des facettes de sa personnalité.
Porter son histoire sur sa peau
Le tatouage est généralement un moyen choisi pour embellir son apparence, mais il semble avoir d’autres significations particulières. Pour la majorité des adeptes Léogânais, le tatouage est une manière de raconter son histoire. Comme nous raconte Rosena, une jeune fille de 20 ans, qui s’est fait tatouer pour la première fois. Elle dit que ce choix lui a permis de graver une étape de son existence sur sa peau : « En ce qui me concerne, le tatouage, c’est raconter une étape de ma vie, une histoire, un souvenir et bien plus. Je viens d’avoir un enfant, donc je me suis dit : pourquoi ne pas porter son nom sur ma peau ? C’est bien plus qu’une connexion », explique-t-elle.
Une dizaine d’années avant, atteindre la majorité, en terme d’âge, était un prérequis pour se faire tatouer, mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Joé, âgé de dix-sept ans, raconte qu’il s’est fait tatouer il y a deux ans. Pour lui, au début, c’était une folie, mais aujourd’hui, cette folie lui a redonné goût à la vie : « Je n’avais même pas une idée de ce que je voulais faire. Étant fils unique, ma mère jouait aussi le rôle de mon père, car ce dernier nous avait abandonnés. Donc, je n’ai pas hésité à graver son nom sur ma peau », raconte le jeune garçon. Joé ajoute que son parcours avec sa mère méritait d’être gravé quelque part, visible de tous, comme un geste de reconnaissance.
Sans distinction de classe ou de catégorie sociale, les raisons de se faire tatouer sont multiples. Maxo, un jeune graphiste, voit le tatouage comme le summum de l’art. Avec une peau totalement coloriée, il affirme que porter son expérience sur sa peau est une bonne chose, mais que ce n’est pas une obligation : « Chacun a son vécu, tout le monde ne peut pas avoir des tatouages similaires. J’ai ma propre histoire : j’aime ma femme, j’ai deux jolies filles, donc porter leurs noms sur ma peau est pour moi un signe d’amour à leur égard », explique-t-il. « J’ai aussi un dragon, car je trouve que c’est un animal fascinant par la puissance qu’il dégage », ajoute le jeune Léogânais.
Un atout économique pour certains
Par ailleurs, le tatouage représente un atout économique pour d’autres jeunes de la commune. Les tatoueurs arrivent à subvenir à leurs besoins en satisfaisant quotidiennement leurs clients. Dans la commune de 200 000 habitants, il en existe plusieurs, comme ce jeune tatoueur expérimenté depuis plus de 4 ans : « Je n’ai aucun diplôme. J’ai appris grâce à un ami. Après plus de quatre ans d’expérience, j’ai fait de ce métier mon arme de combat pour subvenir aux besoins de ma famille », explique Julien, un tatoueur d’une trentaine d’années.
En dépit de la situation chaotique, depuis quelques mois, le nombre de personnes voulant se faire tatouer dans la commune a augmenté. Par jour, Patrice, un professionnel, peut servir jusqu’à cinq clients, ce qui n’était pas le cas auparavant. Selon lui, grâce aux nombreuses expériences vécues, ce métier a amélioré sa vie au cours des six dernières années. Il s’agit d’une aventure qui s’annonce encore plus belle si le nombre de personnes intéressées par le tatouage continue de croître à Léogâne.